Entreprises et Alumni
Chloé Bonichon a le débit mitraillette. Plein d’idées et un enthousiasme communicatif. Il faut dire qu’elle exerce quotidiennement une activité passionnante. Chef de projet chez Kisskissbankbank, elle accompagne des collectes de fonds sur des projets liés à l’Agriculture, l’Alimentation et l’Ecologie. Un prisme passionnant pour parler de changement….
Il y a peu de chances que vous soyez passé(e) à côté de la vague crowdfunding qui, depuis une petite dizaine d’années, permet à chacun de s’engager des deux côtés de la barrière du financement. Vous avez un projet culturel, social, une marque à lancer ? Vous avez besoin d’un financement pour vous sauter le pas ? Pourquoi ne pas mobiliser votre cercle de proches et moins proches ? Les petits ruisseaux forment les grandes rivières. En proposant une matrice d’accueil à ces porteurs de projets, le crowdfunding changeait radicalement les règles du financement en y incluant une démarche “participative”. Chacun peut dès lors devenir l’un des mécènes du ou des projets de son choix. Il n’y a pas de petit don et chacun le redécouvrait, le plaisir au cœur de voir un projet prendre forme sous ses yeux, au terme de campagnes de financement éclairs, ponctuées de craintes (ne pas atteindre l’objectif de collecte, notamment), d’espoirs et de montagnes russes émotionnelles.
Tout le monde s’y mettait, depuis votre ami qui choisit de parcourir l’Europe à pied pour en sortir un documentaire, à la bande de Franck Annese qui lançait Society, l’un des fleurons de So press, grâce à un crowdfunfing sur la plateforme en 2015.
Quelques années plus tard, on aurait pu penser que la bulle a explosé. Chloé nous explique que la démarche s’est surtout structurée. Plus mûre, plus mature, plus efficace. Plus impactante en somme.
Elle s’en réjouit, légèrement surprise. Contre toute attente, le premier confinement ne s’était pas accompagné d’une sinistrose dans le financement participatif. Au contraire, à l’heure où beaucoup questionnaient leur avenir à l’aune d’un quotidien au ralenti, l’heure est à l’esprit de communauté et aux idées nouvelles. Les projets engagés que Chloé accompagne entrent en écho avec les questionnements de tous ceux qui, en quête de sens, se demandent comment ils pourraient s’engager. “La base d’un projet, c’est de répondre à un besoin”, éclaire-t-elle. Les projets qui fonctionnent sont ceux qui s’inscrivent dans cette dynamique”. Pas de mystère. Son rôle à elle : s’assurer que les projets présentés soient pérennes.
En somme : questionner. “Prendre du recul sur ce que je fais, sur les projets que j’accompagne, c’est basique, c’est essentiel”. Il ne s’agit pas de juger, mais d’accompagner le porteur de projet. De comprendre ce qu’il a en tête, le besoin auquel il souhaite répondre, les résultats qu’il en attend. Mais également tester la viabilité des actions à entreprendre. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’une idée semble brillante sur le papier, qu’elle va marcher ou même produire les impacts attendus. Cette rigueur est consubstantielle de la réussite d’un projet “Cela évite les désillusions. Et il faut savoir que nos contributeurs sont de plus en plus exigeants”. Une évolution dont elle se réjouit, car symbole d’une dynamique profonde dans la société.
“La base d’un projet, c’est de répondre à un besoin”
Chloé a confiance dans la jeunesse. Elle pense aux plus jeunes générations à qui l’on ouvre des portes vers les métiers et les solutions de demain. Et c’est peu dire que la jeune femme en a quarante à la seconde, des idées. Déformation professionnelle sans doute! “Derrière chaque business, il y a des enjeux écologiques, des enjeux de société. Derrière chacun de ces enjeux, il y a des business vertueux à concevoir, à développer. Le changement, c’est tellement vaste…” Des filières, des métiers.. “Nos enfants exercerons certainement d’autres métiers que nous”, complète-t-elle, sur le ton de la blague.
Cette créativité, elle la mesure chaque jour. Elle souligne également l’exigence qui doit l’accompagner. “Les marques en ont conscience d’ailleurs, elles savent qu’elles ne peuvent pas se contenter de mots quand elles communiquent auprès des jeunes ou moins jeunes. Il s’agit d’un véritable engagement sociétal”. Des jeunes générations qui ne se limitent pas à l’attitude de consommation passive qu’on leur prête trop souvent et qui ne manquent pas de (se) questionner sur le monde de demain et les enjeux d’aujourd’hui.
“Pour notre génération qui a bénéficié d’une accessibilité de plus en plus forte et de plus en rapide à nombre de choses, c’est un gros changement”, mais lorsque l’on parle impact social, on ne peut faire l’économie d’une démarche exigeante, parfois douloureuse , parfois longue. Questionner, prévoir les impacts, quantifier, mesurer. Une vraie démarche scientifique qui mêle l’insouciance de l’innovation à la rigueur du travail de terrain.
De nouvelles méthodes de travail, d’évaluation se font jour. Envisager la face cachée des projets, les impacts imprévus. S’assurer du côté inclusif et global de chaque démarche. Une dynamique main dans la main avec les porteurs de projet, dont elle parle avec tendresse et fierté. Des projets qui vous donnent envie de vous engager, elle en a beaucoup à partager. Des rencontres, des visites de terrain à raconter. Avec enthousiasme, toujours.
“Le documentaire En quête de sens de Nathanaël Coste et Marc de la Ménardière, car je trouve qu’il montre bien le lien entre prise de conscience et actions. Le changement passe par une prise de recul, par une remise en question de ses fondamentaux et une mise en lumière que si on apprend à mieux vivre avec la terre elle nous le rend bien !”
“Cyril Dion, je trouve que ce qu’il a fait avec la Convention Citoyenne pour le Climat est top et j’espère que les lois votées pourront être mises en application. Il n’y a pas de secret sur le changement, on doit tous en être l’acteur ! Ensuite, mon électrochoc personnel a été de participer à une conférence de Vandana Shiva sur les semences à l’UNESCO pendant la COP21, une femme exceptionnelle.”
J’aime beaucoup la citation “Vivre c’est changer – voilà la leçon que les saisons nous enseignent” de Paulo Coelho.