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Filiales : la main d’œuvre locale dans les pays émergents

Abu Dhabi. Photo by Nick Fewings on Unsplash

Pour les entreprises ayant des filiales internationales, les challenges en matière de management des ressources humaines (MRH) peuvent être tout à fait inattendus. Alors que la recherche en management international des RH s’est surtout focalisée sur la gestion des cadres expatriés, la gestion de la main d’œuvre locale n’en offre pourtant moins des défis. C’est le cas des politiques de localisation des emplois en vigueur dans certains pays émergents.

La localisation de l’emploi : un besoin d’emploi de la main d’œuvre locale

Question peu abordée en occident, la localisation des emplois est une donnée fondamentale pour le MRH dans certains pays émergents notamment ceux qui comptent traditionnellement sur l’expertise des expatriés dans les domaines de pointe comme les pays du golfe persique, de Singapour ou de la Malaisie. Dans ces pays, des politiques plus au moins contraignantes d’incitation des entreprises du secteur privé à l’emploi des cadres locaux sont en vigueur. Ces politiques de localisation rencontrent peu de succès de la part des multinationales, jugeant le rapport compétences/coût des expatriés plus intéressant que l’emploi des locaux. Au niveau macroéconomique, cette situation se traduit par un chômage relativement élevé des jeunes locaux, en particulier, les plus instruits engendrant un malaise au sein de la société. Un besoin de politique d’inclusion envers cette catégorie se fait sentir et les filiales de multinationales sont appelées à y concourir comme tous les opérateurs économiques.

Comment réussir la localisation ?

C’est la question que nous nous sommes posés dans une recherche récente[1]. Si l a mise en place d’une discrimination positive à l’égard des locaux est une solution qui peut apparaître évidente voire facile à travers des quotas de recrutement au niveau local, elle s’avère limitée, éthiquement questionnable et n’a pas donné de résultat là où elle a été rendue obligatoire. Des politiques de développement des RH évoluées sont à mettre en place pour à la fois offrir des conditions d’emploi suffisamment attractives pour la jeunesse locale mais aussi un niveau de compétence suffisamment élevé pour que les entreprises y gagnent en termes de capital humain.

Le cas d’ADNOC

Nous avons ainsi examiné le cas d’ADNOC, l’opérateur pétrolier national des Émirats Arabes Unis qui est l’une des rares entreprises à avoir réussi le pari de la localisation pour comprendre les politiques de MRH soutenant la localisation de la main d’œuvre locale. ADNOC était au départ une entreprise où la grande majorité des postes et des fonctions étaient tenus par des expatriés, le secteur du pétrole demandant un niveau d’expertise technique assez élevé. Mais, pour cette entreprise dont l’État est le principal actionnaire, la question de la localisation des emplois s’est posée plus tôt qu’aux acteurs du secteur privé actuellement confrontés à la question. La réponse a été d’actionner deux leviers :

  • l’investissement dans l’habilitation des jeunes locaux
  • une offre d’emploi attractive
Photo by Ahmed Shabana on Unsplash

Investir dans l’habilitation et l’attractivité de l’emploi

L’habilitation des jeunes locaux chez ADNOC a pris la forme de sponsoring de bourses d’études à l’étranger, de la création d’institution de formation technique affiliées ainsi la mise en place de parcours de carrière habilitant avec un fort investissement dans la formation continue. ADNOC est ainsi devenue une véritable « entreprise-école » du secteur pétrolier. Le deuxième levier est celui de l’attractivité de l’emploi, car il faut aussi penser à retenir les personnes dans lesquels un investissement massif a été réalisé pour obtenir le retour sur investissement. Ainsi, un benchmarking des salaires sur les plus grandes entreprises internationales du secteur est réalisé pour s’assurer d’être dans le peloton de tête en la matière mais aussi une politique très volontariste en matière de sécurité du personnel, élément clé d’attractivité dans le secteur pétrolier ainsi qu’une forte communication orientée vers la jeunesse locale pour vaincre les stéréotypes négatifs associés au travail dans le secteur et consolider l’image de marque employeur.

Ce que nous recommandons

Notre recherche sur la politique de localisation d’ADNOC aux Emirats montre que face à la demande de localisation de l’emploi dans un pays hôte d’une filiale, il est recommandé d’investir dans le capital humain local afin de répondre au besoin d’inclusion exprimé, mais aussi de disposer d’une main d’œuvre ayant les compétences requises pour les opérations de la filiale. L’investissement en capital humain n’est toutefois pas suffisant pour avoir un retour et une stratégie RH permettant le développement et la rétention du capital humain s’avère pertinente, voire indispensable pour l’accompagner. Plus généralement, il est essentiel pour une multinationale de prêter une attention particulière aux questions sociétales locales, car des demandes sociétales aussi peu connues que la localisation de l’emploi en Occident peuvent s’avérer être des contraintes de premier plan au niveau du pays d’accueil.

Moez Ben Yedder, enseignant-chercheur à l’ISC Paris, mène ses recherches dans les domaines du management et des ressources humaines, avec un intérêt particulier pour la RSE et les enjeux sociétaux.

[1]Ben Yedder M. (2022), The Emiratization Policy in Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) in Sinha, P., Patel, P., & Prikshat, V. (Eds.).. International HRM and Development in Emerging Market Multinationals. Routledge. ISBN 9781003057130 https://doi.org/10.4324/9781003057130