Entreprises et Alumni
Kareen (promotion 1994) a créé une entreprise avec un vrai challenge et un vrai engagement, Kippit, qui propose des produits durables, réparables et fabriqués en France. Après une première carrière de 15 ans dans la mesure de satisfaction client, Kareen a vendu son institut de sondages afin de mener cette ambition qui lui tient tant à cœur : produire et consommer autrement.
À la recherche de sens
« J’ai eu un parcours classique », c’est ainsi que Kareen commence notre entretien. D’abord chef de publicité dans un groupe média, elle gravit les échelons rapidement. Mais l’envie d’entreprendre ne la quitte pas. Elle décide alors de créer une première société, un institut de sondages et d’études de marché, qu’elle développe une quinzaine d’années avec son associé. « Nous étions vraiment dans une niche car nous étions les leaders européens sur la mesure de satisfaction des visiteurs dans les parcs de loisirs et d’attractions » raconte Kareen, le sourire aux lèvres. Et pour cause, si le segment de marché est bien précis, il n’en est pas moins très sympathique à développer.
Kareen ne donnera pas plus d’informations sur sa première vie professionnelle. « Au bout d’un moment, je ne m’y retrouvais plus, j’ai eu besoin de mettre du sens dans mon activité » avoue le cinquantenaire avant d’ajouter en riant : « Un peu comme beaucoup de gens finalement ! ». Et comme le hasard fait bien les choses, c’est à ce moment précis que le lave-linge de Kareen choisit de tomber en panne. La machine n’est plus sous garantie, notre alumni décide donc de faire venir un réparateur qui lui fait cette réponse exaspérante : « On ne répare pas, on change ! ». Kareen s’exécute car il lui faut bien laver son linge mais le principe l’indigne et c’est dans cette indignation qu’elle trouve l’idée qu’elle recherchait.
La naissance de Kippit
Avec son associé, elle creuse cette idée. « On a commencé à tirer des fils » explique-t-elle. Et de fil en aiguille, Kareen dresse un constat alarmant : les appareils électroménagers ne sont plus réparés, leur durée de vie a drastiquement baissé, leur prix a diminué mais leur qualité aussi, et ils ne sont plus produits en France. Avant de se lancer, Kareen s’assure, par le biais d’un sondage, que d’autres consommateurs partagent son avis. Puis elle fait travailler des ingénieurs pour s’assurer là aussi qu’il est à nouveau possible de produire des appareils durables et réparables. Satisfaits de leur étude de marché, les deux associés peuvent enfin se lancer et décident donc de vendre l’institut en 2018.
Très vite, ils recrutent leurs premiers collaborateurs, font une levée de fonds puis commencent à travailler sur la production : ils éco-conçoivent les produits en les pensant durables et réparables, dessinent les pièces puis se mettent à rechercher des partenaires industriels pour les produire. Or, faire de la production industrielle en France, qui plus est en pleine pandémie mondiale, s’avère extrêmement compliqué et chronophage. « On a perdu énormément de savoir-faire, les industriels sont frileux ou n’ont pas forcément l’envie de se lancer dans de nouveaux projets, les parcs de machines sont vieillissants » regrette Kareen. Pour gagner le pari, il faut du temps mais aussi de l’argent afin de financer cette industrialisation. Car le projet engendre nécessairement des coûts très importants pour répondre aux besoins technologiques et en main-d’œuvre qualifiée. Aujourd’hui, la mission principale de notre alumni est donc de chercher des investisseurs et de convaincre.
Un vrai engagement
L’engagement de Kareen et son inséparable associé est double : consommer autrement mais aussi produire autrement, ce qui rend leur positionnement atypique. Ils conçoivent des produits qui ne se vendront qu’une seule fois, puisqu’ils sont réparables. Mais la production est aussi pensée différemment : « Nous menons toute une réflexion autour des matériaux et des technologies que nous allons utiliser mais nous avons également une vision inclusive de nos futurs postes de travail et de ceux qui les occuperont » explique celle pour qui cette prise de position très large est fondamentale. De plus, Kareen et son associé proposent des appareils créés pour mutualiser les usages et donc limiter la consommation d’autres machines. Par exemple, leur premier produit, une bouilloire à température réglable pré-vendue à plus de 2000 exemplaires, se transforme également en théière, en cuiseur, en cuiseur vapeur et enfin en assistant pâtisserie avec la cuisson au bain-marie.
Après presque quatre ans de travail, Kareen finalise les derniers réglages avant le lancement de la bouilloire. Si le processus est long, il en vaut largement la peine. Kippit est soutenue par toute une communauté de consommateurs, qui sont impliqués dans toutes les étapes du projet. Les demandes de pré-vente sont nombreuses et la reconnaissance est au rendez-vous : l’entreprise est notamment lauréate d’un appel à projet lancé pour les 90 ans de l’enseigne Monoprix et sera prochainement référencée dans les magasins de la marque. Parallèlement, Kareen et son équipe travaillent sur la production d’autres produits, comme un grille-pain multifonction. Malgré les difficultés, notre alumni, habitée par son projet et ses convictions, n’a pas baissé les bras, et s’il n’y avait qu’un propos à retenir de cet entretien, ce serait celui-ci : « Ce que je porte est essentiel car il est nécessaire de produire et consommer autrement : il y a plein de projets importants à monter, et, même si c’est dur, il est primordial de les réaliser. » A bon entendeur !