Enseignants et Recherche
Dans ses travaux de recherche, Guillaume Flamand, enseignant-chercheur à l’ISC Paris et responsable du pôle d’enseignement du Campus Orléans, s’intéresse à la façon dont l’art enrichit la formation à la gestion. Si cette approche d’apprentissage peut surprendre, elle propose de nombreux apports quel que soit le contexte d’affaires.
La formation par l’art est désormais bien installée dans la formation à la gestion, à la fois celle des business schools et des cabinets spécialisés. Dans ma recherche, je considère les deux approches classiques : pratiquer l’art (par exemple en créant des œuvres sur la gestion) et « utiliser » des œuvres existantes (par exemple des films sur le leadership). Quand on me demande de résumer mes travaux, je réponds souvent que l’art change davantage les moyens de la formation à la gestion que ses fins, mais qu’il permet aussi de promouvoir des visions de la gestion qui résonnent avec celles de formes inhabituelles d’organisation.
« Former par l’art, c’est former à l’organisation ». Cette phrase qui ouvre ma thèse de Doctorat (soutenue en 2017 à l’Université Paris-Dauphine, PSL Research University) la résume bien. Mon manuscrit détaille en quoi la pratique de l’art forme efficacement à la gestion, d’une façon vraiment alternative : la pratique de l’art contemporain est très différente de l’écoute d’un cours de management dans un amphithéâtre ! Ainsi, lorsque des étudiants pratiquent l’art en créant des œuvres, ils mobilisent des méthodes de gestion classiques (un budget, un planning, une division des tâches pour aboutir à une production etc.) tout en recourant à la flexibilité, l’improvisation, l’organisation horizontale du travail. Une pratique de la gestion, mais une gestion qui n’est pas celle de la pure optimisation.
Si cette méthode a donc de nombreux effets positifs dans notre monde en quête d’alternatives, les expériences de formation par l’art ne réussissent malheureusement pas toujours. Par conséquent, dans un article publié récemment dans Management Learning avec la Professeure des Universités Véronique Perret et le Professeur d’EM Lyon Business School Thierry Picq, nous avons analysé la façon dont cette méthode basée sur l’art peut réussir. Notre étude indique que les participants doivent pouvoir se saisir progressivement de cette approche nouvelle pour eux et toujours singulière. Ils doivent aussi bénéficier d’une dose pertinente d’accompagnement par les formateurs.
Même si toutes les expériences sont donc différentes, un grand apport de l’art est d’offrir un moyen de formation qui s’adapte bien aux différents contextes où la gestion est pratiquée. Ainsi, que l’on soit le Directeur Général d’une multinationale à but lucratif, le Fondateur d’une start-up « à mission », ou le Doyen d’une grande école de gestion, l’art est un bon levier de formation pour les personnels comme les étudiants.
Prenons l’exemple de la formation des dirigeants du secteur public. Dans un chapitre publié en 2019 – dans un ouvrage coordonné par Olivier Bachelard, Professeur à emlyon, et Delphine Espagno-Abadie, Maître de conférences à Sciences Po Toulouse – j’ai analysé la façon dont cette formation par l’art pouvait agir dans ce contexte. L’intérêt pour le développement de compétences n’est évidemment pas mis en cause : un dirigeant du public a autant besoin de leadership et de capacités de flexibilité qu’un cadre du privé. D’autres effets peuvent même être catalysés par le contexte public, à l’image de la capacité à matérialiser – littéralement, parfois en bois ou par une pièce de théâtre – des éléments complexes tels que la stratégie de l’entreprise ou les valeurs locales. Ensuite, les formés peuvent les discuter sur la base d’une sculpture ou d’un dessin. Or, dans le public, l’omniprésence de l’enjeu du respect des valeurs publiques complexifie l’action qui doit tout autant qu’ailleurs être efficace et efficiente. Des secteurs tels que l’économie sociale et solidaire connaissent les mêmes contraintes. Pouvoir matérialiser cette complexité est alors un réel atout.
De nombreuses questions restent à étudier et mes travaux s’y attèlent tout en permettant de construire des dispositifs de formation. Avec Catherine Glée-Vermande qui est Maître de conférences à l’IAE Lyon School of Management de l’Université Lyon 3, nous avons créé une approche de formation à l’aide d’usage d’œuvres d’art. Nous l’étudions en parallèle pour partager nos résultats avec la communauté académique. Dans un autre projet mené avec Lobna Baccouche, enseignante-chercheuse à l’ESDES Business School, nous nous intéressons au mensonge des entrepreneurs. Tout semble suggérer que l’art pourrait aider à former des entrepreneurs responsables, mais qu’en est-il vraiment ? Voici quelques questions que je continue à explorer pour enrichir la formation de nos futurs responsables.
Former à la gestion par l’art n’est pas de la science-fiction : l’IEDC Bled School of Management a même centré sa stratégie d’apprentissage sur cette activité. Des dizaines de milliers de personnes y ont ainsi profité de ce réel atout pour la formation à la gestion. Un choix audacieux que l’ISC Paris réalise aussi quand elle se centre sur l’Action Learning dont la formation par l’art est évidemment un archétype…
Guillaume Flamand
Références :
Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres PSL Research University
La formation professionnelle dans les services publics. Nouveaux enjeux, nouvelles pratiques
Management Learning