Entreprises et Alumni
Maÿlis Staub (promotion 1995) est une passionnée de la mesure de performance. Elle en a fait le fil rouge de sa carrière. Femme de réseau, pédagogue et ambitieuse, elle est à la tête d’entreprises prospères, de projets associatifs ainsi que d’une famille de 4 enfants.
Ce qui a tout de suite intéressé Maÿlis à l’ISC Paris, c’est le marketing direct et la mesure de performance. C’est en tout cas par ces mots que notre alumni de 51 ans décide de débuter notre entretien. Lorsque l’on sait que Maÿlis a fondé au cours de sa carrière plusieurs entreprises dans ce secteur, on ne peut qu’être impressionné par la force de conviction de l’étudiante d’alors qui n’a pas dévié de sa trajectoire, presque 30 années plus tard. Mais cette amatrice de surf et de kitesurf n’est pas tombée dans la marmite de la mesure de performance par hasard. « C’est sans doute parce que j’ai un état d’esprit sportif » analyse notre chef d’entreprise qui considère que la partie intéressante du marketing, c’est finalement celle que l’on peut mesurer. « J’en ai fait le fil rouge de toute ma carrière » conclue Maÿlis avant d’ajouter non sans humour : « Mon dada, c’est la data ; et mon gros kiffe, c’est le KPI, c’est-à-dire l’indicateur de résultat ».
Diplômée lors des grandes grèves de 1995 qui ont paralysé tout le pays, la jeune diplômée occupe des postes plutôt commerciaux en attendant de pouvoir intégrer le secteur du marketing direct. C’est chose faite à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, et rapidement ensuite à Cegetel, où elle est en charge de la conquête « pros », c’est-à-dire des entreprises de 1 à 10 salariés. « Ce job m’a passionnée car c’est là-bas que j’ai commencé à triturer la data, à construire des modèles prédictifs de conquête, ce qui était d’ailleurs plutôt avant-gardiste pour l’époque car nous n’étions qu’en 2000 » raconte-t-elle avec enthousiasme.
Maÿlis rejoint ensuite la société sœur de Cegetel : SFR. « C’était super de bosser là-bas à cette époque car le service marketing avait d’énormes budgets qui nous permettaient de travailler aussi bien l’image de marque que l’expérience utilisateur, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui chez de nombreux opérateurs » déplore-t-elle. A ce poste, notre alumni apprend à manier le KPI. Cependant, elle passe aussi avec regret son temps sur Excel et sur PowerPoint afin de synthétiser les données récoltées à l’attention du comité exécutif. Mais, en 2006, une ouverture de poste en interne lui donne l’opportunité de révolutionner ses missions quotidiennes. A l’aide de data scientist, elle crée une méthode de marketing retail, Store Performer, qui mesure le retour sur investissement des points de vente. « Dès sa mise en place, on a fait gagner à l’entreprise 300 000 euros de budget ! » raconte notre alumni qui finit pourtant par déchanter : « Les financiers gelaient les budgets marketing et j’avais de plus en plus le sentiment d’être un numéro parmi les numéros ». Maÿlis y voit donc là une nouvelle opportunité, celle de réaliser un vieux rêve, né lors de ses années collège : devenir entrepreneure !
Ce n’est pas le courage qui manquait à notre alumni mais, à la fois lucide et passionnée, Maÿlis se refusait d’ouvrir un énième cabinet de conseil en marketing. Avec la méthode Store Performer, elle tient là une idée novatrice. En 2009, elle crée alors une première entreprise de conseil en mesure de performance du marketing dans les points de vente : La mesure Marketing. Très rapidement, elle obtient des clients importants : SFR, Danone, Adidas, Ricard, Phillips, La française des jeux, etc. Mais à l’époque, Excel n’est pas assez robuste et le logiciel croule sous le poids des données. Alors, un de ses prestataires, Christophe Harrer, crée pour Maÿlis une plateforme web dans le but de remplacer Excel, très vite plébiscitée par les clients car plus facile d’utilisation. C’est ainsi que naît en 2013 la seconde entreprise de Maÿlis, lancée avec Christophe : Pocket Result. Son objectif ? Commercialiser un logiciel permettant de collecter ou de reprendre des données existantes, de les consolider pour les faire parler, et de les transformer en indicateurs de résultats et de pilotage pour aider les clients à mesurer et ajuster les performances de leur entreprise.
Aujourd’hui, l’entreprise compte une vingtaine de collaborateurs, présents dans deux établissements, à Paris et Boulogne-sur-Mer. Le pôle tech se trouve dans les Hauts-de-France et une partie des employés sont issus de Simplon.co, une école de reconversion dans les métiers de la tech. « Si je dois être fière d’une chose, c’est de pouvoir créer des emplois et faire progresser des collaborateurs » précise Maÿlis avec la douceur qui la caractérise. « Devenir entrepreneur, c’est passionnant, mais savoir également quand et comment revendre ses parts, c’est gratifiant » ajoute notre alumni qui vient tout juste de céder une partie de ses parts à Rémy Bellavoine, son associé, CEO de Pocket Result depuis 2020.
Mais cette maman de 4 enfants qui, loin de la freiner dans ses ambitions professionnelles, ont impulsé son envie d’entreprendre, ne s’arrête pas en si bon chemin. En 2018, le mari de Maÿlis, alors avocat spécialisé dans la protection des données personnelles, demande à sa femme de concevoir un logiciel permettant aux entreprises de répondre aux exigences du RGPD, un règlement européen qui oblige ces dernières à tenir un registre des données personnelles utilisées dans le cadre de leurs activités. Réalisé par Pocket Result, le logiciel connaît un tel succès que le couple décide de se lancer à deux dans l’aventure entrepreneuriale. Il crée une legal tech, Data legal drive. L’entreprise, dont Maÿlis ne fait plus partie de l’exécutif, compte aujourd’hui plus de 80 collaborateurs et 3000 clients !
Une très belle performance donc, qui n’empêche pas Maÿlis de rester humble et disponible. Sa manière de s’assurer avec bienveillance que son interlocuteur a bien compris le sens de son propos est plus que révélateur. Nous ne sommes donc pas étonnés d’apprendre que notre alumni s’investit en dehors de ses activités professionnelles afin de partager son expérience avec ses pairs. Elle est par exemple administratrice de Numeum, le premier syndicat professionnel des entreprises du numérique en France. « Bénévolement, nous aidons les entreprises du secteur à développer leurs compétences sur une vingtaine de sujets majeurs pour l’écosystème du numérique, comme le cloud souverain ou l’inclusion, et nous réalisons du lobbying auprès des autorités françaises et européennes » raconte Maÿlis. Avec l’association Femmes@numérique, elle est aussi en train de rédiger un annuaire de femmes speakers dans la tech à destination des organisateurs d’événements. L’objectif ? Montrer que les femmes aussi sont capables d’être interviewées sur des sujets techniques. « Ce n’est pas une question de vivier, et en empêchant les femmes d’occuper le devant de la scène, on détourne les futures étudiantes de ce domaine ! » s’indigne Maÿlis avant de conclure très justement : « Je suis une femme de réseau car le réseau te nourrit énormément, tout en étant utile à la prospérité de ton entreprise. »