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Les 1er et 2 juillet dernier s’est tenu à Bruxelles le VI Forum mondial, organisé par le Comité mondial pour l’apprentissage tout au long de la vie (CMAtlv) sous le titre « Vers un épanouissement personnel et professionnel durable dans le nouveau contexte mondial » et qui a réuni plus de 60 intervenants de plus de 40 pays.
L’un des sujets abordés était « Le changement indispensable dans l’économie », présenté par José Francisco Queiruga, président de la CCLAM (La Chambre de Commerce Latino-Américaine) et Secrétaire Général du CMAtlv, et Alejandro Otazú, vice-président de la CCLAM et membre de l’équipe de communication du CMAtlv, et cette réflexion présente mon point de vue sur les sujets abordés en tant qu’assistant de cet atelier.
Quand on pense au succès des entreprises, on le voit d’un point de vue économique. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) apparaît alors comme une politique purement décidée en interne, et faute de norme universelle pour la mesurer, pas toujours lisible pour son écosystème,
Chaque partie prenante tente d’améliorer sa lecture, qu’il s’agisse de collaborateurs internes et externes, de sociétés de services, de clients, de gouvernement, de communautés affectées par les opérations, etc.
Alors, comment mesurer le degré de responsabilité d’une entreprise ?
Quand on parle du rôle de l’entreprise dans la société, on ne parle pas seulement de création d’emplois, de conditions de travail ou d’impact environnemental, on parle aussi d’investissement humain, d’éthique dans l’utilisation des techniques, de cohérence dans le discours qu’elle présente aux consommateurs et un long « et caetera » à considérer.
Voici quatre réflexions :
« Les entreprises sont faites par les personnes », il y a donc une responsabilité intrinsèque des entreprises à former leurs employés, dans une finalité économique ; mais, ce faisant, aussi à participer au droit fondamental à l’éducation (déclaration universelle des droits de l’homme)
Ainsi, de nombreuses entreprises promeuvent des programmes de formation qui permettent aux employés d’apprendre et de développer certaines compétences, à la fois techniques et transversales (soft skills), tout en donnant un sentiment d’appartenance.
Mais :
– Comment savoir si les programmes de formation que les entreprises proposent à leurs collaborateurs sont suffisants ? – Comment reconnaître les entreprises pour ce travail de formation et comment les aider à améliorer ces programmes pour les rendre cohérents avec les programmes éducatifs nationaux de chaque pays ? – Est-il possible de reconnaître ces formations, réalisées au sein des entreprises, comme des formations équivalentes à des programmes d’enseignement public ? |
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Il faut trouver un moyen d’encourager ces programmes éducatifs et de les faire reconnaître par les établissements d’enseignement. Cependant, de nombreuses entreprises n’ont pas les moyens de développer et pérenniser ces programmes, et de nombreux pays sont limités par leurs réalités économiques et politiques.
Quand nous pensons à l’utilisation de la technologie dans la consommation, on imagine immédiatement l’utilisation incontrôlée de l’IA comme outil d’incitation.
L’utilisation des bases de données n’est pas nouvelle, mais est devenue beaucoup plus efficace et massive. Nous sommes passés de démarchages téléphoniques aux démarchages algorithmiques réalisés par les géants du web. Ils nous montrent encore et encore le produit “désiré”, récemment scruté ou quêté sur un moteur de recherche et nous invite à l’acheter sur Amazon ou Aliexpress avec livraison en 24h.
Mais cette utilisation du big data et de l’intelligence artificielle est-elle éthique ?
Ce n’est pas une question simple. D’une part, l’utilisation marketing de la technologie ne fait l’objet de débats que depuis récemment. D’autre part, la consommation (plutôt le consumérisme) ne peut se terminer par une régulation du marché publicitaire, mais par une autorégulation des consommateurs.–
– Quand consommons-nous plus que ce dont nous avons besoin ? – Est-ce le système économique qui nous conduit à la surconsommation ? – Quelle est la limite éthique des entreprises dans l’utilisation de l’I. pour promouvoir vos produits ? – Quel rôle joue l’éthique de chaque individu qui compose les entreprises pour réguler en interne l’usage de la technologie pour garantir le droit à la vie privée et le libre choix des consommateurs ? |
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L’éthique individuelle joue un rôle fondamental. Nous devons travailler pour trouver des réponses éducatives, des limites claires pour un marché plus éthique, notamment dans son utilisation des nouvelles technologies.
Toujours dans le cadre du quatrième atelier du VIème Forum, Alejandro Otazú a présenté ses travaux liés à la démarcation, et comment la responsabilité sociale d’une entreprise est liée à son capital symbolique, ainsi que le rôle joué par les nouveaux « consommateurs dissidents », ceux qui peuvent prendre une décision éclairée lors du choix d’un produit ou d’un service.
La cohérence entre le discours marketing et les actes réels des entreprises est un facteur de plus en plus important pour eux, ils façonnent l’image de marque. D’autre part, les réseaux sociaux leur offrent un moyen de communication très puissant, qui peut rapidement changer la tendance de consommation.
Deux réalités qui complexifient le marketing et l’obligent à réévaluer la technologie et la stratégie qui le sous-tendent.
Quelques questions qui restent sans réponse :
– Le « consommateur dissident » est-il vraiment conscient de ses décisions ou est-ce une illusion générée par le nouveau style de marketing qui favorise le sentiment d’indépendance de consommation dans la satisfaction ? – Quel est le rôle de l’éducation des consommateurs et comment peut-elle aider à rompre avec les illusions marketing ? – Quel est l’impact des réseaux sociaux sur « l’esprit critique » des consommateurs et dans quelle mesure la « post-vérité » est-elle installée dans les communautés virtuelles ? |
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Pour commencer, une question : quel est le degré RSE minimum requis d’une entreprise ?
En principe, on peut penser qu’il est impossible de mesurer toutes les entreprises avec les mêmes indicateurs, avec un standard mondial. Cependant, il faut clairement avancer dans cette voie, comme le propose Jose Francisco Rodriguez Queiruga. Rendre transparents les impacts d’une entreprise peut sembler controversé, mais les politiques publiques devraient encourager toute possibilité d’information pour les consommateurs, ce qui renforcerait une meilleure autorégulation.
– Quels sont les facteurs à considérer pour une nouvelle conception de la RSE ? – Qui doit définir les indicateurs et les critères de succès correspondants ? – Quel sera le rôle des gouvernements dans un programme mondial de RSE ? |
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Les entreprises et les consommateurs sont en constante adaptation et l’éducation reste le garant du choix indépendant d’un produit ou d’un service. De la même manière, les employés font preuve d’éthique pour allier stratégies marketing et utilisation des nouvelles technologies, en préservant la véracité des informations et le respect de la vie privée de chacun.
Le débat reste ouvert et beaucoup de travail reste à faire, notamment au sein de la CCLAM et le CMAtlv pour transformer ces fécondes idées en actions.
Carlos Contreras
Professeur à l’ISC Paris