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Intégration de la RSE en entreprise, une exploration du “comment”

Carole Bataillard, RSE, agriculture biologique

S’approprier la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) au sein de son entreprise apparaît, pour certains dirigeants, comme un objectif primordial. En prenant pour sujet d’étude six de ces dirigeants et leurs entreprises, Carole Bataillard, enseignante-chercheuse à l’ISC Paris s’est employée d’une part à mieux comprendre comment la RSE peut être mieux intégrée à la gestion de l’entreprise et, d’autre part, à identifier quels sont les facteurs et les conditions qui peuvent influencer cette intégration. Ses recherches ont fait l’objet d’un article Intégration de la RSE, une exploration du « comment », publié dans la revue scientifique Management & Avenir¹.

Approche théorique & Méthodologie

Elle a notamment voulu éprouver la conviction selon laquelle il est particulièrement rare et difficile pour une entreprise d’intégrer de manière simultanée toutes les composantes de la RSE (sociales, environnementales et financières).

Afin d’étudier la présence dans l’entreprise des composantes de la RSE, elle s’est appuyée sur la théorie de la structuration des systèmes sociaux du sociologue anglais Anthony Giddens.

Selon la théorie de la structuration, « les structures, ensembles de règles et de ressources, organisent les activités tout autant que les activités les organisent et leur donnent du sens et une finalité »². Cette conception est particulièrement précieuse pour étudier les changements au sein d’organisations (entreprises, ménages, etc.) mais aussi les liens « entre les dynamiques de structuration individuelles (ici les dirigeants d’entreprises) et les dynamiques de structuration collectives. (ici l’entreprise, la filière biologique)»².

Plus particulièrement, Carole Bataillard s’est attachée à étudier comment interagissent les schèmes interprétatifs (opinions et évidences partagées par un groupe social), les normes et les ressources que ces dirigeants mobilisent.

Pour ce faire, elle a mené une étude constituée d’entretiens et d’observations, autour de 6 entreprises du secteur des produits biologiques, reconnues comme pionnières en terme d’intégration de la RSE, du fait notamment du haut niveau de certification et de notation qu’elles ont obtenu de la part d’organismes spécialisés.

Les deux conditions d’intégration de la RSE au sein de l’entreprise

Les résultats de son étude révèlent deux conditions d’intégration de la RSE au sein de l’entreprise :

    • une conciliation, dans la pensée et la vie des dirigeants, des éléments constitutifs de la RSE. Cette première condition permet d’envisager des règles incluant à la fois des

objectifs environnementaux

    • et des

objectifs humains

    • dans les décisions économiques
    • une

convergence des normes

    entre elles

Carole Bataillard revient sur ces conditions de manière dynamique en montrant leurs impacts aux niveaux organisationnel et institutionnel. Leur réalisation crée une motivation à institutionnaliser des règles rigoureuses et permanentes.

Carole Bataillard, RSE, agriculture biologique

Des conclusions qui alimentent la recherche

Son étude contribue à alimenter :

    • le courant intégratif de la RSE, qui incite les entreprises à s’en saisir en tentant de transférer leur attention de l’économique vers le social et/ou l’environnemental
    le champ de recherche consacré aux micro-fondations de la RSE, autrement dit à l’analyse du comportement d’agents, ici les entreprises, pour concevoir une théorie économique globale du système constitué par l’ensemble de ces agents

Des conclusions utiles aux dirigeants souhaitant intégrer la RSE à leur entreprise

D’un point de vue pratique, cette recherche peut aider les dirigeants à comprendre les conditions institutionnelles et les caractéristiques plus personnelles leur permettant d’intégrer simultanément les objectifs de la RSE.

En effet, Carole Bataillard montre que ce qui dote les acteurs de significations, connaissances et normes structurantes pour cette intégration repose sur la conjugaison de critères facilitants :

    • l’inscription du dirigeant dans une idéologie qui promeut la protection de la Nature et la protection des humains à travers l’alimentation (la santé du sol favorise la santé de l’écosystème mais aussi une alimentation saine et qualitative qui signifie elle-même la santé des humains)
    • l’appui sur des normes issues du cercle familial (mode de vie sain, alimentation naturelle)
    la connaissance de techniques durables (préservation du sol et des qualités nutritives, qualité naturelle des produits)

¹ Bataillard, Carole. « Intégration de la RSE : une exploration du « comment » [1] », Management & Avenir, vol. 119, no. 5, 2020, pp. 39-60. https://doi.org/10.3917/mav.119.0039

² Kechidi, Med. “La théorie de la structuration : une analyse des formes et des dynamiques organisationnelles.” Relations industrielles / Industrial Relations, volume 60, number 2, spring 2005, p. 348–369. https://doi.org/10.7202/011725ar

³ Hafenbrädl, Sebastian, et Daniel Waeger. « Ideology and the Micro-foundations of CSR: Why Executives Believe in the Business Case for CSR and how this Affects their CSR Engagements ». Academy of Management Journal, vol. 60, no 4, septembre 2016, p. 1582‑606. https://doi.org/10.5465/amj.2014.0691